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L'histoire de l'oiseau en noir et blanc

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zebulon
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L'histoire de l'oiseau en noir et blanc

Message par zebulon » dim. 11 mai 2008, 21:50

Il suffit d’un simple regard pour que la vie des êtres s’en trouve à jamais modifiée.

Une fin de matinée, il y a environ deux mois de cela, mon attention fut attirée par un cri d’oiseau que je ne connaissais pas. Il était là, perché sur le coin du mur de la terrasse située au premier étage de ma maison.
Plumé de noir et de blanc, il paraissait venir d’un pays où les couleurs n’existaient pas.

-Cet oiseau n’allait pas tarder à alimenter ma curiosité et dans les jours qui suivirent, je pus constater sa présence, durant de longs moments. Toujours au même endroit.
Bientôt, le matin, de mon lit, j’entendais son chant. Peut-on appeler cela un chant ? Toujours est-il que je le reconnaissais immédiatement.

Nous pouvions même le voir sur ce coin de terrasse observant sans doute les humains comme eux pouvaient l’observer. Je me disais qu’il ne devait pas avoir grand-chose à apprendre du plus grand prédateur de la planète, tandis que le contraire me semblait évident.

Les choses de la vie allaient à leur rythme et cet oiseau désormais englué sur son poste d’observation faisait partie de mes nouvelles images que je range dans ma tête ou mon cœur, c’est selon.

Dans une cage, des agapornis apprivoisés, avaient remplacés Cannelle, une chienne caniche qui avait rendu l’âme après plus de quinze années passé au sein de notre famille. Elle avait même bataillé pour figurer dans la hiérarchie et revendiquer la place située entre le 3ème et le 4ème enfant.
Nous étions parvenus à communiquer au moyen d’une sorte de langage, à base de sons, de caresses et de mots étranges. Elle avait fini par comprendre nos propres mots aussi fallut-il employer des mots à couvert lorsque, avec ma femme, je parlais d’elle.

Dans le jardin, chaque matin, Elise remplissaient les petites mangeoires disposées pour les oiseaux libres d’aller à leur guise, n’ayant d’autres barreaux que ceux de leur faim.
Des merles s’étaient sédentarisés bientôt suivis par un couple de tourterelles. Depuis cinq ans, un rouge-gorge venait passer l’hiver sur un bras du store, jusqu’à ce que je lui mette une petite boite en bois, bien à l’abri dans l’angle de deux murs près de l’entrée.

Il passait toutes les nuits de septembre au printemps, sur le couvercle de cet abri. Elise n’était pas contente car dès la nuit, afin de ne pas gêner cet oiseau, je faisais passer les gens, qui venaient nous voir….par le garage situé en sous-sol.
Des chardonnerets étaient apparus, des huppes, des verdiers par dizaine, des moineaux par centaines. Et beaucoup d’autres oiseaux migrateurs dont je ne connais pas le nom.

J’avais mon petit coin d’Eden bien à moi. Je me sentais, peu à peu, retrouver ma place au sein de cette Nature que j’avais tant négligée. Une sorte d’incompatibilité entre une place dans la société et une place dans la nature.

Eh puis, un jour il y a eu cette demande d’Elise :

Tu pourras regarder l’arrosage automatique sur la terrasse, je pense qu’il ne marche pas bien.

Entre l’instant où elle me fit sa requête et l’instant où je décidai de remédier au problème, il se passa bien une dizaine de jours durant lesquels, l’oiseau sorti d’un film en noir et blanc semblait avoir définitivement élu domicile chez nous.

Ce matin là, je poussai la porte de la chambre pour me rendre sur la terrasse lorsque je vis une bergeronnette sortir d’un énorme pot contenant une plante grasse visiblement assoiffée.
L’étonnement fit vite place à l’interrogation puis poussé par la curiosité, je me penchais dans l’espèce de trou laissé par les feuilles de la plante. Un magnifique petit nid était en voie de construction. Et moi qui allais ouvrir en grand les vannes d’alimentation en eau !

Tout devint alors clair, l’observation de cet oiseau habillé de cérémonie, sa présence à toutes heures de la journée, et ses cris, sans doute pour appeler celle qui accepterait de reproduire le cycle de la vie, j’allais héberger un couple de bergeronnettes avec leurs oisillons.

Quand j’appris la nouvelle à Elise, elle me répondit en plaisantant :

Bon alors maintenant on ne pourra plus aller sur la terrasse ! L’hiver, on doit passer par le garage et au printemps, on doit laisser la terrasse libre ! Les prochains oiseaux, tu leur dis d’aller ailleurs !

Et dire que c’est elle qui a toujours voulu avoir beaucoup d’enfants, beaucoup d’animaux de toutes sortes.

Une année, c’était en 1976, j’avais même appelé cela l’immeuble à animaux. Dans la cuisine nous avions un aquarium sur lequel était posée une cage à hamster et sur cette cage, il y avait celle du canari, que le chat de la voisine a fini par manger !

En 1963, nous avons eu notre premier enfant, une fille et ma femme la promenait dans son landau avec à ses pieds, un petit lapin blanc.

Elise le laissa malencontreusement tombé, il eu la patte cassée. Elise pleura, pleura alors on le fit soigner.
Je revois encore la tête du vétérinaire, ne sachant comment expliquer à ma femme, qu’il ne pouvait rien faire, tant il était petit. Pensez donc, il en était encore à téter.
Il était si petit. Dans la cuisine, il y avait deux biberons, celui de ma fille et celui du lapinou ! On ne risquait pas de se tromper !

Plus tard, je dus rapporter le lapin à la ferme. On me l’avait offert, il devait peser 300 grammes mais quand je le leur rendis le fermier n’en revenait pas ! Un véritable lapin de garde ; plusieurs kilos. J’appris par la suite, qu’il vivait avec eux dans la cuisine car il ne s’était jamais considéré comme un lapin mais l’égal d’un humain, avec quelques particularités. Je lui avais épargné………le coup du lapin !

Mais revenons à notre histoire qui se passe dans un pot de fleur sur la terrasse désormais interdite.

J’installais l’objectif d’un caméscope entre les pans du rideau de la chambre voisine afin de ne rien manquer de cette histoire merveilleuse.

En visionnant tranquillement les cassettes de la journée, j’assistai ainsi tranquillement dans mon lit, à la construction du nid. Un peu perdu comme les parents le sont lors de leur premier enfant, je procédais à quelques recherches dans le nouveau livre de la Connaissance du monde (internet).

Elise, curieuse bien sûr, on reconnait là le péché mignon de la gent féminine, me dit :

Va voir où cela en est !

Et moi de lui répondre :

Non, je ne veux pas les stresser.

En effet, j’avais commis des erreurs avec mes agapornis et cela m’avait servi de leçon. Je laissais passer quelques jours, puis me décidai à aller jeter un coup d’œil dans ce fameux nid.

Il y avait deux œufs et personne pour les couver ! Tiens, bizarre et je le dis à Elise. Je pense que deux jours s’écoulèrent avant que je n’aille à nouveau voir.

Il y avait trois œufs et personne pour les couver ! Pour moi, il y a toujours une raison aux choses que l’on ne s’explique pas, mais je ne voyais pas encore laquelle, aussi je cherchais et j’en parlais de nouveau à Elise qui ne me proposait pas d’explications plausibles.

Et puis, la curiosité étant devenu une qualité masculine, je décidais quelques jours après, d’aller à nouveau voir dans le nid.

Il y avait cinq œufs et toujours personne pour les couver !

Là, je me dis qu’il me fallait en avoir le cœur net et je remis en marche le caméscope.
Ce soir là, on évoquait tranquillement le sujet avec Elise lorsque le téléphone sonna.

C’était le fils qui s’était fait prendre sa place dans la hiérarchie de la famille par Cannelle. Bien sûr, je lui contais la grande nouvelle à plus de 1800 kms de distance. Ecoutant poliment mes divagations, il me répondit simplement :

Papa, laisse faire la Nature ! J’étais prêt à prendre les œufs pour les mettre sous une lampe !

Le lendemain matin, en jetant un coup d’œil vers le pot je vis une petite tête qui bougeait sans arrêt.
Ouf ! Ca y est !
La future maman faisait son ménage, arrangeait ses œufs, ôtait une brindille là, en ajoutait une là en pensant : vraiment, ce mâle qui m’a sauté, quel amant, mais quel piètre bâtisseur !

Tout allait pour le mieux et moi j’étais heureux.

Ils vinrent au monde, tous en même temps ! Et je compris.

En lisant l’incommensurable dictionnaire de la Connaissance d’internet, j’avais appris qu’une quinzaine de jours après leur naissance, un des parents incitait un oisillon à l’accompagner et ensuite les autres devaient suivre l’autre parent qui devait aussi s’envoler.

Tout devint alors clair, il fallait que les oiseaux naissent tous en même temps afin d’être tous prêts au même moment. La femelle ne commença à les couver que lorsque la ponte fut achevée. C'est quand même beau la Nature, non ?

Par ailleurs dans de telles conditions, la béquée devenait aussi plus facile, puisqu’ils étaient tous sur le même pied d’égalité pour accaparer la nourriture que leur offraient les parents. Il ne pouvait y avoir de chétif du à une naissance tardive !

Et là, je puis vous dire que je suis content de ne pas être un oiseau !

Les pauvres parents n’arrêtaient pas d’aller chercher la nourriture et de la plonger dans ces coupoles orange grandes ouvertes à leurs arrivées. Environ tous les quart d’heures ; ils arrivaient parfois à se télescoper dans la plante, arrivant de concert.
Pas le temps de se faire des câlins, ni même de s’embrasser. Finies les papouilles ; une fois parents, c’est l’esclavage qui commence.

Mais je vois que cela ne dure en gros qu’un mois, alors tout compte-fait, je suis d’accord pour être un oiseau moi qui les ai eu pendant des dizaines d’années. Il y en a même qui sont partis et puis………qui sont revenus.

Je parle des enfants, vous l’aurez compris. Mais oui, vous avez compris puisque vous êtes passés par là….ou y passerez !

C’est normal, on est sur Terre uniquement pour cela. C’est dur ce que je dis ? Non, c’est la stricte réalité. Bien sûr, puisqu’on est sur Terre on en profite pour s’occuper et là, il n’y a plus de limites !

Tout ce passait pour le mieux dans ce pot, les uns mangeaient, dormaient, faisaient caca, les parents s’échinaient pour trouver la nourriture, un monde parfait. Hélas, cela n’allait pas durer. La météo prévoyait de grosses pluies pendant au moins quatre jours. J'avais un soucis à me mettre entre deux neurones.

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La région d’Alicante était en voie de désertification et ce n’est pas les quelques hectares d’un parcours de golf auxquels s’ajoutaient les mètres carrés des innombrables jardins privatifs, fussent-ils verdoyants et boisés, qui auraient pu être à l’origine d’un changement de climat.

Pas même d’un micro climat, propre à faire pleurer d’aise un ciel chargé de nuages venus on ne sait d’où ! Elle était cependant appréciée par des millions de touristes qui, chaque année, y venaient pour oublier leurs conditions de vie d’humains pour se mettre dans la peau bronzée d’autres humains. Ainsi à leur retour au bureau, on s’émerveillait de leur peau cuivrée et ils s’entendaient dire :

Et où as-tu été pour rentrer aussi bronzé ?

Cette région était aussi connue pour d’autres points moins réjouissants tels qu’une urbanisation poussée à son paroxysme.
C’est simple, moins il y avait d’arbres et de verdure et plus il y avait de maisons. Ensuite, les propriétaires mettaient des arbres et de la verdure dans leurs jardins.

Le résultat était évident, la Nature avait été redistribuée sous formes de parcelles privatives. Hélas, entre ces espaces de vie individuelle subsistaient d’immenses zones, c’est le mot adéquat, qui se voyaient privées de l’eau d’arrosage de ces jardins où les barbecues étaient rois.

Le ciel pouvait demeurer bleu des mois, sans qu’un nuage ne daigne ne serait-ce que verser une larme sur cette aridité ambiante au sol, pourtant, ce matin-là, les nuages s’amoncelèrent à l’horizon faisant naître de sombres pensées dans un coin de ma tête.

J’aime bien anticiper sur les évènements, sans doute est-ce une habitude prise au cours de mes années de voile, lorsque je parcourais la mer, les yeux rivés sur le loch (indicateur de vitesse du bateau) et les penons (petits morceaux de laine qui doivent être horizontaux, attestant ainsi du bon réglage de la voilure).

J’étais un fou de régates et de course de bateau à voile en Atlantique et en Manche. Je pense toujours avoir un grain sauf que l’homme que je suis a changé de passion.

Je montais donc sur la terrasse pour observer le pot de plante grasse et imaginais les gouttes de pluie, allant de feuille en feuille, comme une cascade jusqu’au sol. J’avais l’impression que la constitution de la plante était telle que l’eau ne pourrait pas atteindre le nid.

Qu’à cela ne tienne, j’étais quand même inquiet, aussi me fallait-il ajouter une protection, verte de préférence, même si les oiseaux ne perçoivent pas les couleurs.
Je descendais dans le jardin et découpait une plaque de quarante centimètres de coté dans une feuille de palmier, un washintonien, pour ensuite la coincer entre les feuilles de la plante grasse. Il était temps, déjà la pluie s’était mise à tomber.

La pluie débuta timidement, un adagio. C’est toujours mauvais signe lorsque les choses prennent du temps pour parvenir à leurs fins. Dans le ciel, s’effectuaient les derniers réglages, occasionnant les premiers éclairs peu après suivis de coups de tonnerre annonciateurs de la pièce qui allait se jouer au dehors, derrière les vitres des maisons. La nature se préparait à se donner en spectacle

De l’eau tomba sans arrêt, de quoi se faire une idée de ce qu’avait pu être le Déluge. Avec mes oisillons, j’avais déjà beaucoup à faire alors je n’osais pas imaginer Noé avec tous ses animaux.
Derrière ma fenêtre j’observais les gouttes ruisseler sur la feuille découpée et finir en flaques sur le sol. Je n’étais pas du tout rassuré.

Le manège des parents continuaient, allant et venant pour nourrir ces petites vies qui devaient trembler à la vue de leur première pluie. Sans parler des coups de tonnerre.
Les parents étaient exemplaires, jusqu’au sacrifice ! Ils apportaient l’insecte qui venait de passer de vie à trépas dans leur bec ou quelques vers trop heureux de sortir la tête du sol enfin ramolli.

A présent, il pleuvait abondamment, l’eau descendait la pente de ma rue. En regardant les toits environnants, il me semblait voir des points d’exclamation partout tant la pluie tombait drue.

Je montais et descendais les escaliers conduisant à la chambre d’observation à chaque redoublement de pluie. Je me connectais sur internet pour prendre connaissance de la carte satellite. Aucune amélioration à espérer, le bulletin météo de las noticias espagnoles ne s’était pas tromper. Pour une fois qu’il aurait dû !

J’imaginais la discussion entre la femelle et le mâle :

- Dis-moi, tu ne m’y rependras plus avec ton coin d’Alicante où, soit disant, il fait toujours beau. Regarde dans quelle galère tu nous as mis !

- Mais c’est que….

- Et les petits, tu y penses. Regarde-les comme ils ont froid. Heureusement que l’humain a plus de jugeote que toi et qu’il a mis cette feuille. D’ailleurs, je me demande si cela va suffire.

- Ecoute, cela ne sert à rien de te mettre dans tous tes états. Tu es venue, tu a vu la future place du nid et..

- Oui, je connais mes classiques mais tu n’a rien vaincu du tout et on est dans la mer..Allez va chercher à manger pendant que je nettoie le nid et que je réchauffe les petiots !

A présent, j’avais un nœud à l’estomac car, visiblement, ma feuille de palmier n’allait pas pouvoir les abriter encore très longtemps d’autant que maintenant l’eau tombait inclinée, poussée par le vent qui s’était mis de la partie.
Il y avait de l’urgence dans l’air. Je descendis les escaliers quatre à quatre et faillis me tordre la cheville, avec une solution en tête. Au point où on en était je ne pense pas que cela allait effrayer les parents bergeronnette.

Je remontais les escaliers avec une veste verte en tissu plastifié, celle qui me protégeait de la pluie lorsque je jouais au golf. J’attendis patiemment que l’un des parents vienne et dès qu’il reprit son envol, je sortis précipitamment, pas même couvert moi-même et je recouvrais la plante avec la veste, ne laissant qu’un trou pour que les parents puissent y pénétrer.

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Une fois dans la chambre, tout en me séchant avec une serviette, je contemplais le résultat de ma décision. Je n’avais plus de nœud à l’estomac. J’avais le sentiment d’avoir fait ce qui devait être fait.

Inquiet naturellement, oui je le suis et je n’aime pas avoir des regrets en disant j’aurai pu faire ceci ou cela. Je préfère en faire trop, ce qui peut, hélas, aboutir au même résultat négatif mais Elise me connaît et agit toujours de manière à freiner mes ardeurs.
En l’occurrence, dans le cas présent, elle était encore plus inquiète que moi. Plus personne ne pouvait m’arrêter !

La pluie profita de la nuit tombée pour l’accompagner dans sa chute, redoublant d’intensité. Rejointe par le tonnerre, son insaisissable partenaire, elle dansait avec lui et, virevoltant, sa robe de paillettes brillait de mille feux sous les éclairs.

Un pas de deux éblouissant ! Jusqu’aux compteurs électriques qu’ils firent sauter.
« Et si demain, le pétrole, l’uranium, l’eau, tout ce dont nous ne pouvons plus nous passer venaient à manquer ? »

Le tonnerre et les éclairs finirent par tirer leurs dernières cartouches, abandonnant le ciel entre les mains de la ballerine qui ne cessa de danser qu’au petit matin. Sans doute mal refermées, les vannes du ciel laissaient encore passer quelques gouttes, semant le doute dans l’esprit des humains à présent confrontés aux dégâts.

Tard dans la nuit, les lumières de nos tables de nuit restèrent allumées. Elise évitait de penser en remplissant des pages de Sudoku tandis que je ne parvenais pas à chasser les idées les plus noires de mon esprit.

Ne pense plus, chérie, nous avons fait tout ce que nous pouvions faire, me dit Elise.

Je lui répondis, en essayant de relativiser les choses :

Je crois que les oiseaux migrateurs vont devoir mettre leur guide du routard à jour ! Le temps est en train de changer.

Je ne dormis que d’un œil, me réveillant souvent pour écouter le bruit de la pluie sur le toit de la pergola. A son intensité, j’estimais la quantité d’eau qui se déversait sur le vêtement protecteur et je me rappelais que bien souvent, après quatre heures à jouer sous la pluie, j’étais trempé. Cette veste avait une protection toute relative. Je sentis que mon mal à l’estomac se réveillait tandis que je ne pouvais plus me rendormir.

Au saut du lit, le temps d’enfiler un vêtement et je me précipitais dehors, sur la terrasse. Il était à peine sept heures, un merle s’en donnait à cœur joie.

L’intérieur du pot, de ce que mes doigts purent en juger était très humide et les petits étaient blottis les uns contre les autres, dans le nid. En fait, je ne distinguais qu’une masse sombre parsemée de petits traits oranges, les cotés de leurs becs.

Pendant le petit-déjeuner, je fis mon rapport à Elise quand la pluie reprit de plus belle et ce n’est qu’au milieu de l’après-midi que le ciel nous accorda un répit, juste le temps d’aller voir la situation des oisillons.
Je comptais quatre becs bien ouverts, sans doute m’ayant confondu avec l’un de leurs parents.

Où était donc le cinquième élément ?

Je le découvris, inerte, près du bord du pot. Sans doute plus affamé que les autres, à moins qu’il ne fut plus exigeant, il avait dû sortir du nid pour être au premières loges pour la distribution de la nourriture.

Je le pris dans mes mains et rentrais aussitôt dans la maison, dévalant les escaliers pour le montrer à Elise. Il était froid comme de la glace !

- Oh mon dieu, il est mort ?

- Je ne sais pas encore. Il m’a semblé sentir une patte bouger légèrement.

Ce n’était pas le moment de discuter, je quittai rapidement la cuisine pour m’asseoir sous la véranda de devant. Elise me connaissait et savait que je stressais au maximum. Mais c’est dans ses instants là que je suis le meilleur, tous mes sens sont en éveil, comme si je devais protéger ma propre vie.
J’étais énervé, un peu en urgentiste, il me fallait intervenir vite, très vite. Il était question de secondes, pas plus.

Je n’aime pas m’avouer vaincu. Sans doute est-ce à cause de mes origines et de la modeste condition de mes parents mais lutter fut pour moi, le sens de ma vie. J’ai lutté pour tout et maintenant que je n’ai plus à lutter pour moi, il me faut le faire pour ces quelques grammes de chair pas même d’os, ou si peu.

Je l’avais déjà fait par le passé, aussi ces gestes me revinrent immédiatement à l’esprit. Les mains refermées sur lui, je soufflais mon souffle chaud afin de le réchauffer. Puis, j’eus une autre idée et avec un sèche cheveux je dirigeais de l’air chaud à distance sur ma main, légèrement ouverte pour qu’il en ait un peu. Je sentis ses pattes bouger. Il était vivant !

- Il est vivant ! Criais-je à Elise.

- Oh mon Dieu, ce n’est pas possible ! Continue ce que tu fais, tu vas le sauver comme tu as fait pour le verdier.


Je le pris à même la main qui se referma sur lui, ne lui laissant qu’un tout petit espace pour y apercevoir sa tête. Je restais ainsi assis, la main recouverte par le bas de mon pull. A présent, c’était moi qui avais froid, sans doute le danger de le perdre s’éloignait et mes nerfs se relâchaient. Je demeurai bien deux heures ainsi, assis devant le petit écran à suivre une émission de golf.

Puis, peu à peu, je sentis ses pattes bouger plus fortement alors j’ouvris la main. Il tenta de se placer correctement, disons sur son ventre, n ayant pas assez de force pour se mettre sur ses ‘coudes’. Il avait encore les yeux fermés et le duvet sur sa tête lui donnait un air d’intellectuel !

Elise, venait voir ses progrès et je la sentais plus détendue. Elle était aux petits soins avec moi. Tout en me passant une main dans mes cheveux, elle dit :

- Tu veux du café ? Je te porte un morceau de cake ?

Tout cela avec une voix douce que je ne lui connaissais que rarement. Nous sommes de tempérament, on ne peut plus différent : l’eau et le feu !

A bien y réfléchir la situation de ce couple de bergeronnette, n’était pas si différent de ce que nous-mêmes avions connu par le passé.

C’est en 1962, que nous avons décidé d’unir nos vies, pour le meilleur et le pire. Elise, une belle jeune fille de 19 ans, élevée sous le soleil du Maroc, suivait les yeux fermés un fils de mineur polonais, dans une région aussi noire que le charbon.

Dans cette région tout était gris, la vie, les idées, le ciel et c’est en décembre, le 2 exactement que nous avons planté notre yourte, dans un bassin minier ! Il faut avoir un certain âge pour se rappeler ce que fut l’hiver de l’année 1962.

Un peu comme le mâle bergeronnette, j’avais embarqué ma femme dans une drôle d’aventure et de région. Je compris très vite qu’un petit lapin et notre premier enfant ne suffirait pas à lui redonner ce sourire qu’elle avait perdu en regardant un beau matin, le ciel lugubre.

Moins de deux ans après, nous partions pour le Vaucluse ! Les couleurs de la vie revinrent, le sourire d‘Elise aussi mais c’est aussi à ce moment là, que je décidai de sortir de ma condition. J’avais des responsabilités, j’allais sur 25 ans et Elise attendait son second enfant.

Aujourd’hui, en attendant le 48ème anniversaire de notre mariage, nous étions là tous les deux regardant cet oiseau qui s’accrochait à la vie. Et Elise répétait inlassablement :

Allez vis, allez vis, tu ne connais encore rien de ton monde. Il va vivre n’est-ce pas chérie ?

Elise a toujours eu ce petit détail qui fait que je me sens obligé de me surpasser. Mais là que pouvais-je faire ? Prier ? Ce n’est pas ma conception du Grand Tout.
Je crois en la volonté de vouloir faire aboutir les choses qui semblent impossibles et là je me mis à croire qu’il allait vivre, qu’il devait vivre.

Elise était assise à coté de moi, lorsque cela se produisit.
Peu à peu j’avais desserré ma main car il y faisait bien chaud. Cet oisillon était-il en train de se réchauffer ?

J’ai l’habitude d’émettre un son avec ma bouche lorsque je veux communiquer avec mes agapornis, aussi tout en le regardant je me mis à faire le même son. Il réagit en bougeant son corps comme pour se mettre dans une position plus stable et ouvrit les yeux.

Refait, refait, me dit Elise, tout à coup surexcitée.

Je refis donc le même son avec ma bouche et aussitôt, il allongea son cou d’au moins deux centimètres tout en ouvrant grand son bec.

C’est merveilleux, c’est merveilleux criait Elise.
Il va vivre, il veut vivre ajouta t-elle.

Nous étions samedi après-midi et toutes les boutiques étaient fermées. En désespoir de cause, je demandai à Elise de ressortir la poudre qui m’avait servi pour alimenter le verdier.

- Si tu veux mais ces oiseaux là sont insectivores me fit-elle remarquer.

- Ecoute, je ne vois pas ce que je puis lui donner d’autres.

C’est ainsi que débuta le sauvetage nutritionnel de ce rescapé, bien au chaud, sur mon ventre, enroulé dans le bas de mon pull.
Maintenant, les nerfs avaient repris le dessus, j’avais trop chaud mais je supportais tout pour ce dernier ‘enfant’. Toutes les demi-heures, il ouvrait la bouche et je lui donnais de la poudre magique, transformée en pate assez liquide, par le bais d’un couteau très effilé, prenant soin de ne pas blesser sa toute petite langue.

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A la seconde becquée, j’assistai à un des ces enseignements magnifiques dus à l’observation. La première fois que cela se produisit je ne fis pas trop attention. Je restais étonné, simplement mais à la seconde, je compris.
Je vous explique : une fois que l’oisillon a mangé, il se retourne et fait caca hors du nid. Plus tard, les parents viennent prendre ces déjections plus ou moins séchées en forme de haricots et les emmènent loin du nid. N’oublions pas que toute espèce à ses prédateurs et donc il est logique que les parents ne laissent pas ces déjections juste à quelques mètres du nid ce qui renseignerait inévitablement un prédateur.

Donc mon petit oisillon avait fait son transit intestinal comme disent les docteurs pour dire à la famille du patient que les fonctions du métabolisme sont rétablies après un choc opératoire et que, tout va bien. Parfois le docteur se hasardait à ajouter :

- Il sera vite sur pieds, croyez-moi.

Comment se fait-il qu’il m’arrive toujours des situations aussi bizarres ? Pourquoi, ces oiseaux ont-ils du faire leur nid, juste dans cet endroit ? Toujours est-il que jouer à Dieu peut s’avérer risquer surtout si l’on échoue.

Il reprenait des forces à vue d’œil et une fois la nuit tombée, il prit son dernier repas en notre compagnie puis….au dodo dans une petite boite bien au chaud dans de la laine. On ne savait pas où mettre la boite alors elle a finie sur un fauteuil….dans notre chambre ! Quand je vous dis que c’était comme un bébé à la maison.

Tard dans la nuit, après avoir revisité notre passé de parents, nous tombèrent vite d’accord. Ayant repris ses forces, il n’était pas utile de le garder. Il était en mesure de vivre à nouveau, le plus tôt possible, avec les siens. C’est décidé, demain matin, retour chez papa et maman. Et surtout, plus d’imprudence !

Une seule chose aurait pu nous amener à réviser nos plans : son état de vigueur. Il n’y eu aucun doute car à mon approche, il sembla tout d’abord écouter puis ouvrit grand son bec tout orange.
Il venait de signer lui-même son bon de sortie des urgences.

Contrairement à ma séparation avec le petit verdier, cette fois j’étais heureux et même pressé de le remettre dans son milieu. J’ai bien pensé à lui mettre une petite bague pour éventuellement l’identifier mais ses pattes étaient bien trop fines.

Pour ne pas trop perturber le couple par nos allées et venues sur la terrasse à nouveau ensoleillée, je proposais à Elise de lui dire au revoir et j’attendis le moment propice pour aller le remettre dans son nid. Ses frères et sœurs dormaient encore à griffes fermées.

En redescendant les escaliers pour rejoindre Elise qui préparait notre petit-déjeuner, je ressentis un vide, une tristesse.

Pourquoi depuis ces quelques cinq dernières années ai-je autant besoin de m’employer à sauver des vies ? De la coccinelle sur un green à l’escargot sur un parking, je suis prompt à faire le geste qui prolonge la vie.
Je ne puis m’empêcher de me situer sur la dernière allée de ma propre vie et tout est fait en fonction de cet éloignement progressif que je mets entre les êtres, les choses et moi-même. C’est le temps d’une nouvelle perception, celle de l’homme devant l’inéluctable.

Dans le nid, quelques heures après :

Pendant que les parents étaient à la peine dans quelques contrées éloignées, Bibi, était assis au milieu du nid et racontait tout ce qu’il avait vu.

- Il était grand comme cela et il était très gentil.
- Et la maman, comment était-elle ?
- Elle avait des cheveux de la couleur de ce qui brille dans les yeux.
- Et les enfants, combien étaient-ils ?
-Tiens, au fait, je n’en ai pas vu.

Il raconta par le menu détail, toute sa visite chez les humains et quand la maman bergeronnette arriva avec un magnifique ver, l’un des petits, n’y tenant plus dit alors :

- Maman, maman, Bibi est allé chez les hum….Gloug !

Il s’arrêta net de parler, il avait le bec tout plein de bonne nourriture toute fraîche.

Tais-toi et mange et rappelle toi ceci : on ne parle pas la bouche pleine !

Quand la maman s’en retourna, le petiot se tourna alors vers Bibi et lui dit en pleurant :
Maman est méchante ! Comment on fait pour aller chez les humains ?


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Modifié en dernier par zebulon le lun. 12 mai 2008, 21:56, modifié 2 fois.
Dites-moi que c'est impossible et je vous prouverai le contraire !

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Message par Myosotis » dim. 11 mai 2008, 22:41

=D>

Bravo! bravo!
Que de poésie dans ce récit Zébulon !
Je lis et relis avec un réel plaisir ce récit dans lequel jaillit un vrai soucis du respect de la nature...
J'attends avec impatience la suite du récit !

=D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D>
Notre terre est une chandelle, ne brûlons pas la mèche par les deux bouts !

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Message par lea » dim. 11 mai 2008, 22:46

oui, comme Myosotis, un vrai régal de vous lire

Découvrir la suite sera un trés grand plaisir.

=;
Léa

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Hélène84
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Message par Hélène84 » dim. 11 mai 2008, 22:50

Quelle belle histoire... merci!

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Marmotton
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Message par Marmotton » lun. 12 mai 2008, 09:00

Un tout tout grand =D> Zébulon. Vous avez un superbe don pour l'écriture; c'était vraiment passionnant de vous lire. J'attends aussi avec impatience la suite de cette histoire :yawinkle:

J'ai vu sur votre blog que vous avez écrit un livre sur le golf, prévoyez-vous d'en écrire un avec vos si belles histoires sur la nature et les oiseaux ? car dans ce cas je le réserve tout de suite ! :read: J'adore la lecture et pense que je me plongerais dans votre livre pendant des heures, je viens d'en lire le premier chapitre qui est malheureusement déjà terminé !

Merci et bonne jourée.

:hello:

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Message par zebulon » lun. 12 mai 2008, 10:19

Juste un petit coucou (d'humain) pour vous remercier de vos réponses qui me vont droit au coeur et me donnent envie de vous faire une suite aux petits oignons de mon jardin personnel.

Oui, j'ai actuellement en cours un second livre sur le golf ou plus exactement sur les pensées que le golf m'inspire dans la nature quand je joue. Il ne fait aucun doute qu'il y a matière à écrire quelques nouvelles avec mes expériences vécues avec quelques animaux et je compte bien m'y mettre. Hélas, il faut du temps, ce dont mon Banquier rechigne à me donner. :heart: :heart: :heart:
Dites-moi que c'est impossible et je vous prouverai le contraire !

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Message par Marmotton » lun. 12 mai 2008, 16:24

Très bonne nouvelle :yawinkle: un deuxième livre en cours d'écriture ! S'il n'est pas centré sur les techniques du golf mais plutôt sur des pensées sur la nature et des histoires d'oiseaux, cela m'intéresse beaucoup :cheesy:

Tenez nous au courant. Je passe déjà commande et cela me ferait grand plaisir d'en recevoir un exemplaire dédicacé.

:weedman:

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Message par mimi38 » lun. 12 mai 2008, 18:02

zébulon
c est magnifique!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
un grand bravo
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Message par zebulon » lun. 12 mai 2008, 22:11

Voilà, je vous ai mis la suite de cette histoire vraie en tous points.
Je souhaite qu'elle vous plaise.
Ce soir, avant la nuit, je suis allé voir et comme on dit RAS. je n'irai plus voir mon travail est terminé.

Jusqu'à la prochaine fois. :heart: :heart: :heart:

PS : la suite est au bout de la première partie
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Message par zabette » mar. 13 mai 2008, 09:39

Le temps qui passe... la pluie, les orages... c'est la dure loi de la nature!! #-o

Nous, aussi il y a quelques années nous avons sauvé un oisillon serin après un orage de grêle apocalyptique! [-o<

c'est le paradoxe de l'humain: chercher à faire le bien, pour essayer un peu , si peu, de réparer tout le mal fait à la nature. :-k

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Message par lea » mar. 13 mai 2008, 14:35

j'ai imprimé pour lire tranquillement.

Trés belle histoire.
Merci
Léa

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Message par zebulon » mar. 13 mai 2008, 20:39

Myosotis a écrit :=D>

Bravo! bravo!
Que de poésie dans ce récit Zébulon !
Je lis et relis avec un réel plaisir ce récit dans lequel jaillit un vrai soucis du respect de la nature...
J'attends avec impatience la suite du récit !

=D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D> =D>
-----------------------------
J'ai ajouté la suite à la fin de la première partie :rolleyes:
Dites-moi que c'est impossible et je vous prouverai le contraire !

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